4 contextes dans lesquels un manager peut mentir à son équipe !

 

En théorie, le chef ne doit pas mentir, question de crédibilité ! Dans la pratique, pourtant, les enjeux justifient parfois de petits arrangements avec la réalité. Exemples.

Volkswagen sur les émissions polluantes de ses moteurs, Spanghero sur l’origine de ses viandes, Servier sur les effets du Mediator… De nombreux exemples d’industriels pris en flagrant délit de mensonge à leurs clients ont défrayé la chronique ces dernières années. Alors, au sein même des entreprises, se dit-on toujours la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? Les managers jouent-ils et doivent-ils jouer systématiquement cartes sur table avec leurs équipes ? La question met les intéressés mal à l’aise. Doivent-ils mentir ? Car si les guides de bonnes pratiques et la morale prônent la vérité absolue, les faits, eux, imposent parfois de subtils accommodements.

Pas question, bien sûr, de faire de l’exception la règle. Ni de s’enferrer dans des couches successives de mensonges pour couvrir un premier arrangement avec la vérité, mais seulement d’admettre qu’un manager peut ne pas dire tout le temps toute la vérité à son équipe. Certains contextes justifient un pieu bobard, surtout lorsque le bien commun ou la survie de l’entreprise sont en jeu, d’autres moins. En voici quatre particulièrement fréquents, pour lesquels nous avons déterminé, avec l’aide de coachs, des niveaux d’acceptabilité du mensonge.

 

1. Lorsque la situation peut s’envenimer

Dès que les ouvriers de cette société du bâtiment ont su les difficultés économiques de leur employeur, ils se sont démobilisés. Cela a précipité le dépôt de bilan de l’entreprise. Pour préserver quelques mois encore sa société, le dirigeant aurait peut-être dû cacher la vérité. Une chose est sûre : plus un manager monte dans la hiérarchie, plus il doit être soucieux de sa communication et réfléchir à l’opportunité d’annoncer ou de taire provisoirement, les mauvaises nouvelles (fusion, déménagement, difficultés économiques, etc.). Il sera donc amené à mentir.

 

Sur ce point, deux écoles s’opposent. Un directeur d’une usine de métallurgie, revendique de garder pour lui le stress lié au manque de visibilité propre à son activité afin de ne pas troubler la tranquillité d’esprit et l’efficacité de ses employés. De son côté, une psychologue du travail et coach en image, estime qu’une telle attitude infantilise les collaborateurs.

 

D’autres prônent le pragmatisme : une fusion est dans l’air et vos collaborateurs ne vous demandent rien ? Ne dites rien. Si, en revanche, ils vous interpellent, vous avez deux possibilités : affirmer que rien de sérieux n’est à l’étude, tout en rappelant que, dans le contexte actuel, aucune société n’est à l’abri. Ou bien, si vous bénéficiez d’une forte crédibilité, admettre que vous savez des choses, mais qu’il est trop tôt pour les partager. Une façon de préserver la confiance que vos collaborateurs vous portent sans trahir de secrets…

Le pipeaumètre : mensonge acceptable à 50 %.

 

2. Lorsqu’une information stratégique risque de fuiter

Une information affectant le cours de Bourse de l’entreprise, un projet de cession qui doit d’abord être présenté en comité d’entreprise… il y a des cas où la loi impose au manager de taire ce qu’il sait. Un simple : “Je ne peux rien dire”, suffit alors à botter en touche. Pour les situations moins encadrées et dans lesquelles l’intérêt de l’entreprise est en jeu, les experts conseillent de ne pas avoir d’états d’âme. Être manager, c’est avoir accès à des infos que d’autres n’ont pas. Il faut assumer d’avoir sa chasse gardée et se taire le temps nécessaire, car le choix de cacher la réalité n’est pas tenable sur le long terme.

 

Aujourd’hui à la tête de SOS Entrepreneur, une structure d’aide aux PME, Bruno Del campe a été confronté à ce problème lorsqu’il était dirigeant d’une PME spécialisée dans l’isolation thermique. Il a été tout de suite transparent avec ses salariés sur la gravité des difficultés que rencontrait sa société. En revanche, il ne leur a annoncé qu’au dernier moment sa décision de déposer un dossier de redressement judiciaire au tribunal de commerce. Ceci pour éviter des fuites susceptibles d’affoler clients et fournisseurs.

 

3. Lorsque l’ordre vient d’en haut

C’est dans le salon d’un grand hôtel qu’un directeur a convoqué son codir pour évoquer un projet de fusion confidentiel et intimer à chacun de garder le silence. Si l’ordre vient d’en haut, comme dans l’exemple précédent, il vaut mieux s’abstenir de communiquer. Même si vous sentez que les exhortations de votre N+1 à ne surtout pas répéter cachent un désir brûlant de vous voir trahir le secret.

Reste que la dissimulation peut vous mettre en porte-à-faux avec vos valeurs. Si l’injonction heurte les principes du manager, la situation risque de devenir pour lui très pénible à vivre. Au point de quitter l’entreprise, admet Eric Albert, fondateur de l’Institut français d’action sur le stress. Si c’est votre choix, attendez que la crise soit passée pour annoncer votre départ.

 

Le pipeaumètre : mensonge acceptable à 90 %.

 

4. Lorsqu’on veut éviter de froisser un collaborateur

“Ce n’est pas moi qui décide”. À l’instar de Cécile, responsable de service dans un établissement public, combien de managers se réfugient-ils derrière cette formule pour justifier le refus d’une promotion ou d’une augmentation ? Prendre des gants avec un collaborateur est LE motif pour lequel ils admettent volontiers de maquiller la vérité. Or, c’est celui pour lequel le mensonge est le moins recommandé. En décrétant qu’ils n’ont pas la main sur de telles décisions, les managers ne font que se discréditer. On peut refuser une augmentation, mais avec tact. Ne dites jamais à un collaborateur qu’il est nul. Expliquez-lui plutôt que son travail ne correspond pas à vos attentes.

Plus délicat : le cas de cette employée d’un service RH, à l’hygiène douteuse. Elle fut déplacée seule, dans un bureau vacant, sous un prétexte fallacieux. Il aurait été préférable de lui signaler que ses collègues étaient gênés par des odeurs désagréables. Ainsi, elle aurait pu corriger le tir. Pas simple, mais mentir ne doit jamais être une façon de vous exonérer de vos obligations de manager.

Le pipeaumètre : mensonge acceptable à 20 %

 

Jean-Louis Muller, expert auprès de Cegos : “Mentir par omission n’est pas tout à fait mentir”.

Le psychanalyste Jacques Lacan disait : “Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. L’enjeu n’est pas d’être absolument transparent, mais le plus proche possible de la réalité”. Or, ne pas dire tout ce que l’on sait ne change rien à la réalité. En 2017, la durée moyenne d’un cadre sur un même poste en France était de 4,1 ans. Il est clair que nous ne vivons plus dans une société où l’on passe… 

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